Seule dans le noir, je contemple le plafond décrépit de cette énième chambre d’hôtel minable. Rappelez moi pourquoi je me suis enfuie ? Ah oui, le lycée, mon père, ces choses un peu trop gonflantes et ennuyantes à mon goût. Il n'y a rien de drôle la-dedans. N'allez pas croire que je ne suis qu'une pauvre gamine fugueuse. « Putain, raie du cul ! tu glandes quoi ? On doit se tailler d'ici MAINTENANT ! » Me visage se tourne vers le délicat visage de Graham. Ses paroles sont à son image, bien sûr, d'une finesse sans pareille, d'une grâce incroyable. J'en rêve la nuit. C'est ironique bien sûr. Graham est lourd et son humour est d'autant plus gras. Digne d'un hamburger dans le pire fast food du fin fond du texas. La seule chose qu'il a pour lui, c'est son physique de maître nageur parfait. Et l'argent qu'il a piqué à la banque de ses parents avant de partir sur la route avec moi. Il n'est donc pas si inutile qu'il en a l'air. Mais quand il se met à me surnommer "raie du cul" bizarrement, je rigole moins. Et là, je rigole encore moins quand je vois qu'il n'a même pas un paquet de Winston dépassant de ses poches. Il y a du laissé allez. « Bon, tu te bouges ou tu plante de la marijuana ? » Je lève les yeux au ciel. La mauvaise humeur de mon ami est parfois exaspérante et c'est les pieds pesant que je me traîne jusqu'à sa voiture. Superbe cadillac bleu ciel, mon dieu, le rêve ! Je veux la conduire, mon coeur s'emballe. « Steuplé, steuplé, steuplé, Grammy, laisse moi la mener, la conduire, la faire rouler, steuplé, steuplé, steuplé ! » J'ai les yeux larmoyant, le regard du chat poté, je le supplie mais lui, il s'en fou complètement. « Bouge ton cul, on se taille et plus vite que ça ! » Mes rêves sont réduit à néant tandis que je monte sur le siège passager. Je ne peut pas protester, quand c'est non, avec Graham, c'est non. J'obtempère et le laisse me mener où bon lui semble. J'ai beau le haïr, l'engueuler, râle et tout ce que vous voulez, j'adore Graham. Il pourrait m'emmener au bout du monde que ça ne me poserait pas de problème. J'ai confiance en lui. Tant qu'il est là, flic à nos trousses ou pas, je serais à l’abri.


Je ne me souviens même plus comment on en est arrivé là. Lui qui part, loin, très loin, le plus loin possible de moi. Et moi qui reste comme une con, au bord de la route, une valise ouverte à mes pieds. Je repasse dans ma tête les deux dernières années. Deux années avec lui. Je me souviens encore de tout ce qu'on a fait. Deux ans de cavales et de fuites excitantes. C'était le pieds. Mieux que ça même, mais y a-t-il seulement un mot possible. Combien de banque j'avais braqué avec lui à mes côtés ? Combien de voitures que j'avais volé ? Mon dieux, je les avais toutes conduites, avec exhalation, surtout cette cadillac bleue ciel orgasmique ! Mon dieu qu'il avait été bon de mener le volant, d'appuyer sur la pédale d’accélération et de rouler, rouler, à n'en plus finir. Et Graham, lui et moi, mais bon sang que c'était parfait ! Au lit comme ailleurs. Bon, d'accord, nous ne l'avions fais que deux fois. Et puis, la cadillac, il l'avait peut-être plus conduite que moi mais enfin, quand même. Il y avait du vrai dans ce que je disais. Il avait pas à m'insulter en me traitant de mythomane ! Ca ne se faisait pas. « P'tain, lâches moi Rae ! Tu me casses les burnes avec tes mensonges ! Autant, t'as toujours eu tendance à exagérer, mais là, dire que je te baisais tous les soirs, t'as abusé ! J'en peux plus de toi, tu m'énerves ! Tu me dégoutes. » m'avait-il craché à la figure avant de se barrer. Deux ans partis en fumé. Moi, j'attends comme une clocharde qu'un passant s'occupe de moi, comme on l'a toujours fais. J'attends.


«Bon on reprend, il s'est passé quoi, précisément ? » Je détourne le regard, celui du policier me toise avec perplexité, je ne sais trop quoi répondre, c'est très flou dans ma tête. « J'sais plus très bien, en fait. Il faisait sombre, vous comprenez, sombre et froid et il avait bu. Il était fou de rage. » «Est-ce qu'il vous a frappé ou touché ou blessé ou même menacé ? » J'hésite, il s'est passé quoi hier soir ? Je veux dire précisément ? J'étais dans l'appartement de Grayson, tranquillement, j'attendais qu'il rentre. Ouais, c'est ça. « Et ensuite ? » J'sais pas moi, je me suis fais grillé du pop corn ? Ca ne semble pas intéressé l'officier tout ça. Il veut que je lui dise quoi ? Comment Greyson Hunt a débarqué dans l'appartement totalement ivre, à pété une ampoule, m'a hurlé dessus, est sortit de l'appartement en trombe et s'est cassé la gueule dans l'escalier comme une vieille tantouze ? Roh, mais tout le monde s'en fou de comment il est mort, ça fera la une demain et puis voilà, on se foutra de sa gueule à Hunt. Non, non, non, c'est moi qui compte là, et comment je vais me débrouiller maintenant sans personne pour me nourrir ? C'était lui qui payait tout, merde ! Bon, je passe les détails, ce débile d'officier, aussi canon qu'il soit, ne doit surement pas vouloir connaître les détails. « Non, bah, rien, il est juste rentré ivre, à hurlé contre un lampe et s'est barré en courant. J'ai juste eu le temps de sortir dehors et de le voir dégringoler les escalier le cul en l'air. J'ai rien compris, m'sieur l'agent. » « Un accident donc. » « Bah oui, vous croyiez quoi ? Que je l'avais balancé du haut des escalier ? Merci, ce vieux schnock faisait quatre fois mon poids, et encore, je suis pas du genre brindille non plus ! »