« Combien pour la suite nuptiale ? »
« 100 dollars, avec la bouteille de champagne de 100 dollars, ce qui fait deux-cents dollars. »
« Parfait, en piste demoiselle. Je veux un lap dance privé. »

Aussi longtemps que je puisse m'en rappeler, j'ai toujours fait ça, exercé ce métier de streap-teaseuse à Brysonplace. Faut dire que ma vie avant, cela était un sacré bordel, née dans une famille avec cinq autres enfants, une famille moyenne sans manque d'argent mais qui n'était pas aisé non plus, ma mère est ensuite morte d'un cancer générale car elle fumait comme un pompier, et mon père, cet ivrogne, et non pas cet héros, passait son temps à traîner dans les bars, enchaîner les petits jobs pourris et attendre ses allocations familiales à chaque fin de mois. Aîné de cette foutue famille, de mes 15 à 20ans, j'ai du donc trimer et m'occuper de chacun de mes frères et soeurs comme s'ils eussent été mes propres enfants. Cependant, quand j'ai eu 19ans, j'en ai eu marre. Marre de tout ça, d'être la bonne poire de service, de m'enliser dans cette vie de bonne américaine moyenne dans une bourgade paumé de la Nouvelle Orléans. J'avais encore des ambitions à l'époque, des ambitions de journaliste, critique musical, fan de tous les genres du rock que j'étais, alors je suis partie. Aussi simplement que ça. J'ai dit aurevoir a chacun de mes frères et soeurs, laissant juste une note à mon père, empochant l'argent de mon compte personnel et j'ai roulé jusqu'à Bryson Place. Une fausse carte d'identité faite par des expertes en main, indiquant que j'avais 21ans tout frais, j'ai postulé pour le journal local et un label de musique, mais rapidement j'ai compris que je ne pourrais m'y résoudre, dès le moment ou mon interlocuteur et celui qui aurait pu être mon futur patron me soufflait : « On peut toujours s'arranger.. » sa main baladeuse remontant ma main avant de tenter de défaire les boutons de ma chemise. J'ai ensuite enchaîné les boulots de merde toujours après avoir loué un appartement quelques peu miteux mais spacieux et fonctionnel dans la ville, de serveuse à caissière, barman, vendeuse, babysitter... Et finalement, j'ai finit par abandonner toute ma naïveté pour travailler dans le métier de streap-teaseuse, ou apparemment je savais faire ce que fais de mieux et ce qui me rapporte le plus : vendre mon corps. je m'étais fait pour payer ma drogue que je consommais à profusion et continuer à vivre. Pendant deux ans, je traînais, je buvais, je baisais, je fumais, je prenais des pilules, j'allais danser en boîte faire semblant d'être heureux, totalement nihiliste, ayant rejeté la vie et le bonheur dans tous ces aspects. Je fréquentais les mauvaises magouilles parfois, j'étais bien obligé en même temps avec ces réseaux quelques peu souterrain de prostitution, cachant parfois d'importantes sommes de drogues pour des deals. C'était ça ou je perdais mon job. Je vivais de manière individualiste, dans mon monde, souvent je me réveillais entre deux poubelles, sur le banc d'un parc, dans un lit avec un inconnu d'un quartier que je ne connais absolument pas, et je continuais cette même rengaine de débauche intense. J'étais même obligé de quémander en ce moment même cette putain de suite tellement j'avais besoin d'argent. Obligé de me mettre à genoux pour un grotesque abruti, moi qui m'étais toujours prétendu si indépendante et brave, obliger de lui lécher le cul putain ca me fendait le coeur en deux. Et toute ma vie a toujours été comme ça. La même putain de rengaine. Jusqu'à ce que je rencontre Mederick. Il est arrivé, et sans même regarder le type une seule seconde, m'a pris par le bras violemment avant d'échapper : « Elle est pour moi. » j'ai même pas eu le temps de dire quoique soit que je me retrouvais déjà dans la suite nuptiale avec ce mec et une bouteille de champagne. La première fois que je l'ai vu, je l'ai trouvé terriblement niais. Tout son visage dégoulinait de mièvrerie, avec ses yeux de biche et son visage d'ange, si bien que même ses traits fermés n'arrivaient pas à me faire frémir, on aurait juste dit un gosse qui faisait un caprice. Reprenant mes esprits, je commençais alors, un sourire que je feignais taquin et séducteur avec l'habitude et le joint que je venais de fumer je m'approchais de lui pour lui demander : « Alors Little boy, qu'est que je peux faire pour toi, tu me voulais, tu m'as, je suis prête à céder à chacun de tes caprices... » Je me posais sur son torse, mes jambes caressant contre les siennes alors que mes mains descendait dans sa chemise. « Rien, je ne veux absolument rien si ce n'est parler. » « Tu es sûr, car je peux parler dans beaucoup de positions et de manières tu sais.. » ma bouche s'approchait de son oreille, embrassant son cou alors que je m'apprêtais à enlever sa ceinture. Il me repoussait pour me faire asseoir contre le fauteuil en face : « T'as quel âge? Comment tu t'appelles ? » « Qu'est que cela peut te foutre? » « Ca me fout. » « Fuck me. » et je me rejetais sur lui, pour éviter d'avoir à réfléchir sur les délires étranges de ce type, qui me repoussait une nouvelle fois. « Allison, 22 ans t'es content nerd ? » « Ton vrai prénom. » « Angie. » « Tu mens. » Sans réfléchir, j'ai pressé le bouton d'alarme, pensant que c'était un putain de flic cet abruti et je me suis cassé, le mec se faisant donc proprement exclu par quelques gorilles bien baraqués. J'ai jamais réellement compris ce que Mederick avait voulu de moi ce soir là, ni même après.

« J'suis pas un putain de flic. Tiens, yearbook de l'année dernière, étudiant en commerce avec les lunettes dégueulasses, c'est moi. »
« Tu es la plus belle personne laide que j'ai jamais vu. Fuck off. »

Je ne suis pas en général quelqu'un fascinée par l'amour, qui se désespère en tant qu'éternel célibataire... L'amour, je l'ai déjà connu, au lycée, et c'était franchement de la merde, beaucoup de naiserie et mièvrerie pour rien au final, juste faire sa première fois et sortir deux trois fois pour faire la maligne en public, mais sinon que dalle. Tout ce que l'amour m'a apporté c'est de la souffrance, que cela avec mon père qui ne m'a jamais calculé, mes copains tous aussi cons les uns que les autres ou mes amis qui pensent toujours rien qu'à leur gueules. Je ne suis pas pour autant un fervent partisan des histoires d'un soir. Il faut dire que je suis quelqu'un d'assez compliqué, et parfois un peu antipathique, coeur de pierre et très jaloux en amour. Pourtant, je me suis finalement attaché à quelqu'un, ce satané Mederick de merde. Je sais même pas pourquoi je lui ai dit cela à ce moment précis, quand ses yeux ont croisés les miens, son visage renfrogné et son regard indéchiffrable m'a juste bouleversé. Et pourtant, il était loin d'être mon genre de mec, si j'avais dans le fond réellement un genre de mecs. A ma remarque, Mederick n'ajoutait rien et toujours avec ce silence et calme désarmant il payait alors ma boisson avant de m'accompagner dehors, me mettre dans sa voiture pour me dire : « Tu habites ou ? Je te raccompagne. » Ce mec n'avait strictement aucun sens, aucune politesse, comme un gosse mal éduquée qui gardait néanmoins une certaine classe et respect, puisqu'il n'avait absolument rien tenter avec moi. Et pourtant, toute cette impassibilité et ce mystère qui planait autour de lui me fascinait. Je finissais par lui indiquer ma résidence et il rentrait chez moi, enlevant ses chaussures avant de s'installer sur le lit et fumer un joint. Totalement incompréhensible. Je ne me faisais pas prier alors pour m'asseoir sur mon lit, lui piquer son joint en fumer quelques grosses taffes avant de finalement me tourner vers lui pour le mettre à plat, enlevant mon haut pour l'embrasser dans le cou et lui dire : « J'ai compris ton délire, tu voulais qu'on le fasse défoncés et plus intiment, va y-, lâches toi maintenant. » Encore une fois, je faisais face à un mur et ce dernier me rejetait du lit, reprenant son joint pour enfin articuler quelques mots : « Prénom âge ? » « Fuckin' hell, t'y est encore? Roxanne, 22ans abruti, allez baises moi. » « Non. » « Putain mais qu'est que tu veux, accouches pseudo-jesuissupermystérieux. » « Être ton colocataire sachant que je te payerais en conséquence les trois quarts du loyer. » « Tu peux aller te faire foutre aussi ça marche? » « Je prends ça pour un oui. Mederick. » Et sans ce que je sache comment, j'ai fini par accepter sa proposition en lui serrant la main alors que j'aurais très bien pu le menacer ce psycho' avec le couteau en dessous de mon oreiller. Faut dire qu'il a littéralement changé ma vie. Il a finit par refaire l'appartement de fond en comble, n'étais pas trop difficile à vivre, s'était installé un lit à côté du mien bien que maintes et maintes fois j'ai tenté de le baiser encore et encore, juste pour essayer de comprendre, de LE comprendre. Il me faisait pas chier, il me laissait faire mon boulot, venait me chercher, me ramenait, payait le loyer, m'emmenait parfois déjeuner et j'en venais presque à bien l'aimer, même s'il parlait pas énormément. Du peu que je parlais et que j'en découvrais au fil des semaines sur lui, on avait pas mal de points communs, notamment sur la musique, le cinéma, la littérature et culture en général, et je le trouvais marrant. Marrant dans ses expressions, moues renfrognés, son regard, son sourire tantôt malicieux, tantôt sincère et agréable. Il était là pour moi, et on arrivait en fin de compte à se comprendre en un regard, comme une putain d'empathie, même si moi, j'arrivais toujours pas à comprendre ce qu'il me voulait. Pourquoi il avait jamais cédé à mes charmes, pourquoi il était si putain de silencieux, pourquoi il me parlait jamais de lui et la seule chose que je savais de lui c'était son prénom, son âge et ses études. J'le trouvais marrant certes, mais j'le trouvais toujours aussi terriblement laid et agaçant, surtout quand il me donnait des directives et qu'il était là, à juste m'observer pour m'observer. Ce mec n'avait pas de sens et cela me rendait dingue.

« Allo Mederick? C'est Alicia, on a eu une descente d'une bande de mafieux bourrés et ils ont totalement souillés le club.. elle est.. elle est... en sang Mederick je sais pas quoi faire, aide moi. »
« J'arrive. »

J'ouvre les yeux, tout est flou, ca tourne encore et encore comme dans un super huit qui ne s'arrête jamais, je vois vaguement le visage de Mederick apparaître et je me sens soulevé de la terre contre laquelle ma tête s'est écrasé quelques minutes plus tôt. Je tente d'ouvrir la bouche, mais c'est trop dur, aucun son ne sort de ma bouche, je ne sais même pas quoi dire, je me sens totalement.. vide d'esprit. Mederick semble ainsi me porter dans ses bras et je ferme les yeux. J'ouvre les yeux et je suis dans mon lit, sentant rapidement un gros bandage contre ma tête. Mederick est pas là et j'ai juste une tasse de café tiède à côté de mon lit. Il finit par rentrer tard, très tard, et me demande juste si cela va mieux, d'un air glacial : « Ca irait mieux si tu me foutais la paix. J'en ai marre de toi Mederick tu comprends ? Tu peux pas juste espérer devenir proche de moi juste parce que tu vis avec moi depuis quelques mois et que tu m'as sauvé d'une situation de merde une fois dans ta vie de petit étudiant propre sur lui et bien rangé. J'ai pas besoin de toi tu m'entends? Alors soit tu payes ce putain de loyer et tu fermes ta gueule, soit tu dégages. » Je sais même pas pourquoi j'ai dit ça, faut croire que je venais de me réveiller, que j'avais pas réellement conscience de ce que je disais, et que cette espèce de situation philosophique d'une relation totalement illogique avait finit par me buter et me mettre hors de moi. J'avais jamais voulu de lui et de ses yeux de biches, et j'avais déjà connu des crasses comme ça avant, alors j'en avais juste marre que Mederick me prenne pour acquise maintenant qu'il avait joué au preux chevalier. J'voulais qu'il dise quelque chose putain, n'importe quoi, quelque chose qui sorte de ses répliques qui tenaient en deux mots. Il a rien dit et sortant son portefeuille, a jeté l'argent du loyer avant de finalement se barrer. Et à partir de ce moment là, on s'est plus vraiment parlés. Il rentrait très tard tous les soirs, tombait sur son lit, et quand je rentrais, soit il était pas là soit il était couché. Après une semaine à ce rythme, un soir alors qu'il rentrait et commençait à se coucher, je m'allumais une clope avant de finalement me lever et le prendre par l'épaule pour lui dire : « Soit pas fâché contre moi putain Med'. J'aime pas qu'on prenne pitié de moi c'est tout. Tu me fais chier putain. Tu agis comme si t'étais fâché contre moi. Et pourtant tu restes là, je comprends pas Med', je te comprends pas. Dis moi quelque chose, putain, quelque chose qui te parle. » et sans que j'ai pu dire quoique soit d'autre, ses lèvres se jetèrent aux miennes. Il m'embrassait avec passion, mais toujours avec ce calme et cette douceur désarmante, pendant longtemps, à moins que les secondes ne m'apparurent comme des heures. Néanmoins, je le giflais après avoir prolongé son baiser quelques instants car je trouvais cela trop facile. Trop facile de m'embrasser comme ça, de cette façon, pensant que cela allait tout régler et lever le mystère qui traînait autour de ce mec, alors que au contraire, cela l'accentuait encore plus et me mettait dans une rage folle. Après cette gifle, Mederick me regardait indifférent avant de prendre un t-shirt et s'en aller. La dernière fois que je l'ai vu. En effet, le lendemain, je suis parti bosser en tant que barman dans le club pour remplacer et c'est alors que Mederick en personne m'appelait, probablement pour la première fois depuis que je le connaissais : « Je dois m'en aller Roxanne. J'ai payé le reste de ton loyer avec mon compte et il ne te reste que quelques mois avant que ta dette ne soit remboursée. Je voulais juste te dire, que.. ces quelques mois que j'ai passé avec toi, c'était probablement les meilleurs mois de ma vie... » J'avais le souffle coupé, je voulais dire quelque chose, mais rien, l'émotion, l'incompréhension, la rancoeur et la tristesse me bloquait absolument toute capacité de parole, échappant une larme, je mordais alors mon pull avant que le téléphone ne raccroche. Toujours sans aucun sens, j'ai fini par courir chez moi, dans l'espoir mièvre de le retrouver, juste pour le voir et qu'un miracle se produise comme dans ces beaux films holywoodiens, en vain. Il était déjà parti. Et ce connard m'a laissé ainsi. Comme ça. Et maintenant, je retourne à ma rengaine de merde.