i. Vous savourez un délicieux repas avec un ami -ou du moins avec un individu avec qui vous pouvez parler sans avoir une furieuse envie de dégainer une pelle ou de vous pendre- autour d'une table. mais malheur! il ne reste qu'une misérable part de pizza au fond de la boîte. comment réagissez-vous?

J’ai même pas à réagir, mon gros. Tu l’sais, que cette dernière part de pizza, aussi petite que ta queue, est à moi. Je l’ai pas payée et alors ? Ça coule de source. J’ai toujours la dalle de toute manière donc tu en déduis que mon repas n’est pas terminé. Et t’as pas envie d’entrer en conflit avec moi. Tu le sais que j’peux te mettre mon pied au cul pour moins que ça. Alors tu t’écrases et moi, j’agrippe nonchalamment la dernière survivante, qui va vite finir dans mes entrailles.

ii. Désirant passer une heure ou deux à regarder un film avant de vous rendre dans un nightclub où vous boirez ardemment, vous vous rendez au vidéo-club du coin avec un ami, une conquête ou autre. vous épiez les rayons de la boutique, et alors que vous vous y entendiez le moins, votre compagnon émerge de nulle part avec une comédie romantique à la main -ce que vous détestez. comment réagissez-vous?

Je t’insulte de tarlouze, de lopette. Je te regarde en te lançant des couteaux, te mettant mal à l’aise, très mal. Ouais, je te juge. Je pense que si t’as envie de mater une comédie à l’eau de rose de merde, c’est que t’as un grain et que t’es un homo refoulé. Et je mange pas de ce pain-là. Si t’es pas trop con et que tu vois que j’ai les nerfs à cause de ton choix, tu retournes poser le film en silence et tu viens avec moi au rayon pour adulte, histoire de me payer un film pornographique que je n’ai pas encore vu pour réparer ton erreur. Si t’es con, je te fais bouffer ton film pour t’éduquer, pour faire de toi un vrai bonhomme. et au fait, tu crois vraiment qu'on va passer la nuit dans un nightclub ? on va aller picoler dans un vieux bar qui pue la pisse et la semence masculine pas fraîche.

iii. Vous vous baladez au parc, vous êtes sur le point de pecho sauvagement le mec ou la meuf qui vous fait de l’œil depuis des lustres quand un groupe d'enfants vous asperge d'eau. comment réagissez-vous?

Malheureusement, je ne frappe pas les gosses. Je sais pas pourquoi, c’est un de mes principes. Je m’énerve, je gueule comme un porc dans le parc, quitte à attirer le regard de tous les promeneurs et traumatiser les gamins. Je crie même sur la nana que j’étais en train de peloter. Par contre, j’essaye de trouver les parents des garnements ; Et là, j’me venge. De la violence gratuite, c’est bien.

iiii. Vous arpentez les rues de la ville quand vous bifurquer dans une ruelle moins fréquenté quand vous voyez au loin une mamie se faisant voler son sac, elle tente de se débattre en tapant le voleur à l'aide e canne mais rien n'y fait. comment réagissez-vous?

Ça dépend du vent ; je peux faire demi-tour. Je ne la connais pas, la mamie, je vais pas commencer à me mêler des trucs qui ne me regardent pas et je vais pas aller lui torcher le cul non plus. C’est sûr que le type n’a pas vraiment de couilles pour s’attaquer à une grand-mère mais bon, c’est pas mon problème. Alors je m’en vais. Vite. Mais si je reste plus longtemps, je vais me sentir obligé d’intervenir, foutre une branlée au mec et j’aurais fait exactement ce que je déteste faire ; une bonne action. Je ne contrôle pas toujours mes pulsions héroïques ou mes pulsions de bottage de cul.

« Je dois te renvoyer… ça fait la dixième fois que tu piques dans le caisse. » J’étais assis en face de ce bouffon, qui se cachait derrière sa casquette d’employé de l’année et son étiquette de manager. J’en avais ras le cul de bosser là de toute manière. Pendant qu’il m’expliquait toutes les fautes que j’avais commises – et bordel, y’en avait un paquet – je m’amusais à compter les rectangles au plafond. Un, deux… « Remarque sexistes et racistes. » trois, quatre « menace sur la plupart des collègues…dont moi. » cinq, six « comportement agressif et vulgaire envers plusieurs clients. » sept, huit, neuf, dix – cent. « Et vol dans la caisse. » Ouais, je n’avais pas tout capté mais j’avais conclus que le plafond de cette pièce était sacrément moche. Ce n’était pas la première fois qu’on me renvoyait et à trente balais passés, j’en avais connu des entretiens de licenciement. Alors je me tournais les pouces, je lui montrais bien que j’en avais absolument rien à battre. « Allez, j’me casse, trou duc. » Je levais mes fesses de la chaise, l’interrompant dans son monologue qui était de toute manière totalement stérile à mes yeux. J’ouvrais la porte et avant de franchir le seuil, je me retournais, lui adressais mon plus beau sourire de l’enfoiré de l’année. « Au fait, j’ai craché plusieurs fois dans les cafés sans faire gaffe et je me lavais pas les mains en sortant des chiottes. Si t'as la chiasse, pense à moi. » Et j’étais de nouveau sans emploi. Pour le coup, j’avais même soigné ma sortie de ce café restaurant miteux perdu sur le bord d’une route absolument pas fréquentée, en insultant tout le monde mais en Irlandais, bien sûr. C’était tellement plus drôle d’agresser verbalement quelqu’un dans une langue qu’il ne comprend pas.

MURPH A DIT :

Je parle couramment la langue de mon pays natale, oui. J’suis un putain de bilingue, un putain de génie. Ce n’est pas bien difficile de voir que je suis irlandais. Mon accent fait saigner les oreilles des américains, je passe mon temps avec une bière à la main et je m’appelle Murphy, merde. Pour déconner, je me mets souvent à utiliser des expressions irlandaises qui ne font rire que moi, mais bon, j’vous emmerde.

Quelques heures après, j’étais de retour chez moi. Dans cette chose que je pourrais qualifier d’appartement mais qui ressemblait plus à une planque de sans papier chinois. En même temps, je n’avais pas eu un emploi stable depuis mes trente ans. Deux ans. Deux ans que je me démerdais avec des allocations, des arnaques en tout genre, des petits boulots de merde. Je posais mes clés sur la seule table de la pièce. Table qui me servait de plateau repas, de lit pour baiser, de meuble pour jouer au poker avec des potes et de cimetière à bières. Mon chez moi se résumait à deux pièces. Celle où j’étais et la salle de bain. Sympa la vie. Mais bon, ça ne me dérangeait pas plus que ça. J’étais habitué.

MURPH A DIT :

Ça fait quinze ans que j’ai débarqué aux États-Unis. Je suis venu avec ma mère. Parce qu’on en avait marre de mon père trop con pour gérer sa famille et son argent. S’endetter jusqu’au cul, c’est tellement mieux pour élever son gosse non ? dix ans que j'habite tout seul dans l'Vermont. Je n’ai jamais été friqué, je n’ai jamais eu d’argent de poche pour aller m’éclater avec mes potes. Et au fond, je m’en tape royalement. Je pue le pauvre, j'ai trois chemises que je lave jamais. Mes jeans sont la plupart troués. J'ai la vieille moto de mon père que j'ai pris soins d'amener avec moi. J’peux pas saquer les riches, de toute manière.

Je m’étalais comme un malpropre sur mon lit, qui me servait également de canapé pour mater la télévision. Ouais, chaque meuble avait beaucoup d’utilité chez moi. Alors que je pensais sérieusement à me mater un porno, histoire d’égayer cette journée de merde, mon portable sonnait. « ta gueule, connard ! » je jetais mon oreiller, en espérant toucher le portable qui trônait sur la table et qui faisait un bruit d’enfer. J’étais dans mon mode loque suprême, allongé sur le côté, le bras soutenant ma tête de chômeur. Ça s’arrêtait puis ça recommençait. J’étais pas une putain de célébrité alors je me demandais pourquoi ce saleté de truc n’arrêtait pas de me les briser. Finalement, dix minutes après la première sonnerie, je me décidais à me bouger les fesses pour décrocher. « Quoi, putain ?! » Je soupirais, me massant vaguement la tempe avec ma main libre. « t’es où, mon beau salaud ? » oh putain. C’était la nana d’hier soir. « j’peux pas te parler là, je bosse. » J’y croyais, à mon mensonge, sisi. J’attrapais le paquet de clope, pendant qu’elle me disait des saloperies au téléphone, je le secouais, histoire qu’une cigarette se détache de ses copines et daigne se manifester pour rejoindre ma bouche. Une fois chose faite, je l’attrapais avec mes lèvres, la tirais et je l’allumais, avant de recracher la fumée. C’était con, parce que maintenant, j’avais envie de baiser. Mais cette nana parlait trop. Et je détestais ce genre de gonzesses. Sois belle, fais-moi un sandwich et laisse-moi copuler. Et pour l’amour du ciel, tais-toi. « bon désolé, t’es bonne mais t’es trop conne, tchao. » je raccrochais.

MURPH A DIT :

Moi et les femmes, c’est toute une histoire. J’ai découvert au lycée, en Irlande, que les filles étaient assez inutiles, de mon point de vue. Juste le cul, c’est sympa. Je ne me vois pas dans une relation sérieuse. L’amour, c’est un truc de gonzesse. Et je ne me vois pas me faire la même fille pour le reste de mes jours. Je change donc de nanas souvent. Je n’ai que des relations d’un soir et si la fille insiste pour me revoir, je lui dis que je pars me battre en Afghanistan ou que j’ai une blennorragie. Ça marche toujours.

Finalement, je me retrouvais une fois de plus tout seul chez moi, devant la télé. Je fumais, je buvais une bière, c’était une bonne soirée. Il ne me manquait plus qu’une strip-teaseuse pour se déhancher devant moi. Mais je devais avouer qu’il y avait un avantage à habituer dans ce trou à rat, dans cette ville de péquenot attardé de Brysonplace. Le bar irlandais. Ouais, j’habitais au-dessus d’un bar. Et mon côté patriotique aimait ça. Alors pour éviter de passer trop de soirée seul, je descendais très souvent boire un verre. Même plusieurs. Ouais, je finissais très souvent la gueule dans le caniveau. Le propriétaire venait de la même ville que moi, Cork. C’était mon pote, mon compagnon d’arme, mon frère de sang. Enfin bref. Je me levais de mon lit et en quelques minutes, je me posais sur le tabouret du bar. Me voilà dans mon environnement. Dans deux heures, je serais très probablement bourré, à me battre dans un coin ou en train de faire un strip-tease.

MURPH A DIT :

Faut pas croire, j’aime pas vraiment les gens. Je suis du genre solitaire, je me démerde et tu te démerdes. Mais avec un verre dans la main, t’auras beau être le mec que je déteste le plus sur cette Terre, tu pourras être mon meilleur ami le temps que je décuve. C’est très pratique je sais. Je suis plutôt drôle dans ces moments-là. Enfin, le truc, c’est de capter mon humour, qui est souvent porté sur le cul.

J’enchainais verre sur verre. Je parlais en irlandais avec le barman et on se marrait bien. En fait, on insultait les mecs de derrière. Et là, un jeune fou nichait son coude dans mon dos, parce qu’il déconnait avec ses potes. Et sérieusement, il ne m’en fallait pas plus pour me lever d’un seul coup, avec une sale envie de me battre. « et ducon, t’as envie d’avoir un deuxième trou d’balle ou quoi ? » Il me regardait, avec un air hautain. Du genre, je veux faire mon malin devant mes petits copains. Je pouvais pas piffer la jeunesse de maintenant. Alors je l’attrapais par le col. Il était visiblement surpris que je parte au quart de tour ainsi, juste parce qu’il m’avait bousculé. J’aimais pas qu’on me touche, en fait. Un simple réflexe défensif, sûrement. « et du calme mec, on déconne… c’est la Saint-Patrick non ? » Shit. J’avais complétement zappé. C’était pour ça que le bar était rempli de connards avec des chapeaux verts et d’autres trucs bizarres. Je relâchais ma prise. On déconne pas avec ce merveilleux jour de mon merveilleux pays, merde. Mais bon, j’allais pas oublier le gamin là. J’avais une sacrée mémoire pour me souvenir des chieurs.

MURPH A DIT :

J’aime me battre. En fait, quand quelqu’un me cherche, il me trouve. Même s’il ne me cherche pas spécialement au départ. J’ai le sang chaud, tu vois ? Et comme je déteste blablater inutilement, je préfère communiquer physiquement avec autrui.