J’allume une clope et regarde la fille qui se rhabille devant moi. Comment c’était déjà son nom ? Callie, Carole ? Merde, j’ai déjà oublié…
Elle se retourne et me regarde en attachant ses cheveux en chignon. Elle me sourit. Merde, merde, elle va me demander un truc, je le sens…
«
On se revoit bientôt ? » elle sourit. «
Je crois pas, non. Désolé Callie, je me casse en fait, je… » «
Je m’appelle Zoé, pauvre con. » Ah bon, Zoé ? J’y aurai pas pensé. Maintenant qu’elle le dit, c’est vrai que je crois qu’elle m’avait donné son nom hier soir au bar. J’écoutais pas vraiment : elle a des seins énormes.
«
Qui tu es, franchement… ? » Qui je suis ? Je regarde par la fenêtre.
22 ANS PLUS TOT. NEW YORK, BROOKLYN.
«
comment vous allez l’appeler ? » «
Anton. Comme son grand-père. » elle c’est ma mère, elle vient de me mettre au monde. Elle veut faire genre « j’aime ma famille, je donne le nom de mon père à mon fils » en fait, c’est faux. C’est juste qu’elle n’a pas d’idée, et que de toute façon, elle s’en fout. anton, c’est le premier nom qui lui est venu à la tête. Charmant, ouais je sais. je ne le sais pas encore, mais ma mère va se casser avant que j'ai atteint l'âge de cinq ans, et me laisser à sa mère. est-ce que je la reverrai ? pas sur...
De toute façon, je m’en fous. Les personnes qui sortent de ma vie une fois n’y retourne jamais. Je déteste l’acharnement inutile. Si tu te casses, n’espère pas que je te récupère quand tu sera dans le caniveau. Je paris même que je serai le premier à me marrer, si vraiment t’es un connard.
14 ANS PLUS TOT. NEW YORK, BRONX.
je grandis dans le bronx. ma grand -mère m'élève comme elle peut. elle n'arrive pas trop à me tenir en laisse .Elle a envie de partir, loin avec moi. parce qu’elle se rend compte que je mets beaucoup de temps pour rentrer de l’école le soir. Et pour cause, je m’arrête pour trainer avec les gens louches. Du haut de mes huit ans, je n’ai pas peur d’eux et de leur coté ils ont décidé de me prendre sous leur ailes. Je vois défiler des sachets de poudre blanche. «
qu’est-ce que c’est ? » «
laisse anton, t’es trop jeune pour ça, je t’expliquerai quand tu seras plus grand. » «
j’en ai marre d’être le petit ! laissez moi faire des trucs, merde ! » «
tu veux aller voler des trucs ? » je hoche la tête et je suis la bande qui aujourd’hui va voler des objets de valeurs dans un appartement. Je me demande comment ils font pour ne pas se faire repérer. Ils sont tellement nombreux… mais je suis fasciné, je ne vois que l’adrénaline qui monte en moi, doucement. A partir de ce jour je décide qu’elle ne me quittera plus jamais. Sérieusement.
De son coté, ma grand-mère veut toujours partir, elle voit bien que je prends la mauvaise direction. Elle veut me protéger, parce que personne ne l’a fait. Je veux pas la blesser, mais putain, dégage, laisse moi vivre ma vie.
6 ANS PLUS TOT. NEW YORK, BRONX.
je suis dans un lycée pourri. je ne connais pas vraiment les salles de classe, parce que j'y vais rarement et qu'en général, je n'y reste pas plus d'une demi heure ; avant d'être envoyé en colle.
Pour le moment, je suis en cours, avachi sur ma chaise et je regarde dehors. Une putain d’envie de fumer un joint accapare toute mon attention. Il faut que je sorte d’ici. J’étouffe.
Comme un ressort, je me lève, et quitte la salle de classe sous le regard médusé des élèves et du prof. «
salut les couillons, je me casse. » Personne ne me dit plus rien, on a arrêté de s’acharner à vouloir faire d’anton cooper quelqu’un de bien. à quoi bon ? ce gamin finira par crever d’une overdose, laissez le se détruire, ça fait plus de place pour les autres.
dehors je fais vite, je roule mon joint, l'allume et inspire la fumée. je m’appuie contre un mur, dans une ruelle. je ferme les yeux et laisse doucement la drogue faire peu à peu effet. décupler mes sens. putain, j'aime ça...
«
tu me passes du feu ? » J’ouvre les yeux et hausse un sourcil. Devant moi, se tient une blonde, les cheveux longs, élancée, une cigarette coincée entre les lèvres. Elle attend une réponse de ma part. je trouve un zippo dans la poche de mon jean que je lui lance. Elle l’attrape allume sa cigarette et me regarde. Je regarde autour de moi, qu’est-ce que t’attends, blondasse ? «
quoi ? » «
rien. Je réfléchis. » «
ben fais moi plaisir, va réfléchir plus loin. J’aime pas les gens qui réfléchissent. » son sourire quitte son visage, elle se casse. De mon coté, moi, je commence à sourire.
Je sens mon téléphone vibrer.
« anton, ce soir. 22h, chez Jake. Et fais moi plaisir, ramène de quoi planer. »le soir même. NEW YORK, queens.
Putain, je suis complètement raide. Défoncé à mort. Il faut que je trouve des ecsta, ça devrait me remettre sur pied…
Je me lève comme je peux du canapé dans lequel je suis avachi. Je pousse la fille qui est collée à moi. elle n’a pas compris les règles du jeu : je t’ai sauté, maintenant dégage. Je ne m’acharne jamais avec une fille. Coucher deux fois avec la même fille, c’est comme ravaler son vomi. Enfin, je crois. En fait, j’ai jamais tenté l’expérience de coucher deux fois avec la même fille. Elles se rendent compte avant que je suis un salaud, alors elles ne veulent plus me voir.
J’erre dans l’appartement bondé, enfumé comme pas permis. Je bouscule une fille. «
putain, fais attention connard ! » je lève la tête, prêt à répliquer. Et soudain, je reconnais la fille qui m’a demandé du feu cet après-midi. «
qu’est-ce que tu fous ici ? » «
j’allais te poser la même question blondie. Tu sauras que, c’est moi le dealer de cette soirée, alors j’ai ma place, toi par contre… » «
je couche avec jake, alors tu vois, j’ai pas besoin d’invitation. Au passage, ton herbe c’est de la merde. » je la pousse contre le mur et je colle mon avant-bras sur sa poitrine, pour la bloquer. Elle ne me lâche pas du regard. «
la bonne weed, je la garde pour les gens qui la méritent. Tu n’en fais pas partie. Dommage. Je t’aurai bien sauté, en plus. » «
trop d’honneur. » et elle dégage mon bras avant de partir.
4 ANS PLUS TOT. NEW YORK, BRONX.
«
anton, je me disais… on pourrait partir, non ? Je connais une petite ville dans le vermont… on serait bien là-bas. J’ai peur pour toi, ici à new york, il y a trop de tentations… » soupire ma grand-mère. «
c’est pas new york, les tentations, c’est le mal en moi. ça sert à rien d’aller ailleurs, je serais toujours comme ça, désolé… »
Il est vingt heures, je me dirige vers l’appartement de mon meilleur ami. Je frappe, une fille ouvre la porte. Elle porte un grand tshirt ample qui appartient à mon ami. Je lève la tête vers elle. Uppercut dans mon ventre. Je ne l’avais pas revu depuis deux ans. je n’avais pas pensé à elle. Qu’est-ce qu’elle fout à moitié à poil chez mon meilleur pote ? je lui pose la question. «
je savais pas que c’était ton pote. Il m’a ramassé hier soir, j’étais une vraie épave… » je hausse les épaules, comme indifférent. Je meurs d’envie de la regarder, mais je me retiens. J’allume un joint. «
tu fais tourner ? » «
je croyais que mon herbe c’était de la merde ? » «
tu t’es peut-être amélioré… » «
non. Je change pas. et ma weed est parfaite, t’y connais rien. Bon, où il est ? j’ai un truc pour lui. » «
il est parti tout à l’heure. Il m’a dit qu’il reviendrait que demain soir, que je pouvais rester en attendant. » je plonge mes yeux dans les siens. Elle pouvait pas le dire avant, cette conne ? «
ça t’aurais arraché la gueule de me le dire plus tôt ? » je lâche, énervé. je me dirige vers la porte, prêt à partir.
«
reste ! » je m’arrête et me retourne. Elle est à cinq centimètres de moi. je fais deux têtes de plus qu’elle. Je baisse les yeux vers elle. Putain, ce que t’es belle… connasse.
Comme une pulsion, j’attrape son visage et colle mes lèvres aux siennes. Elle me répond, essaie de m’arracher mon tshirt. J’avance tout en l’embrassant, sur le canapé. J’enlève le tshirt de mon meilleur ami qu’elle a sur elle. Je prends deux secondes pour la regarder de haut en bas. Vraiment, vraiment bonne.
Deux heures après, je fume un joint, allongé à coté d’elle. C’est la première fois que je reste après avoir fait ce que j’avais à faire. «
Je m’appelle Sidney. » «
Anton. » «
Je sais. » je souris et tire sur mon joint, puis je fais des ronds avec la fumée.
2 ANS PLUS TOT. NEW YORK, Manhattan.
Il m’est arrivé le truc le plus surréaliste qu’il m’est jamais été donné de vivre. Je me suis casé. Pendant un an et demi. Je suis avec sidney. Bien sur, je ne peux pas changer, je ne peux arrêter de coucher avec d’autres filles. j’ai fait des efforts les premiers temps, mais à quoi bon ? je suis anton cooper, incapable de changer pour qui que ce soit…
Je me dirige vers un grand appartement, où on m’a demandé de livrer de la coke. Je l’ai testé avant de partir, elle est parfaite. Je monte les étages.
Je livre ce que j’ai à livrer et puis, j’en profite, je bois un verre. Deux… soudain, je vois quelqu’un qui attire mon regard, dans le fond. Un rire cristalin que je connais par cœur, parce qu’il est pour moi la plupart du temps depuis un an et demi. Sidney. Je l’observe de loin. Et puis, un mec pose ses lèvres dans son cou, remonte le long de sa machoire et c’est elle qui fait le dernier pas qui sépare leur lèvres.
Mon sang ne fait qu’un tour. Je me jette sur le mec. Je le tabasse, sans m’arrête, un bruit sourd envahi mes oreilles, je n’entends plus que mon pied qui s’écrase dans son ventre à de multiples reprises. Et puis, les bras de sidney, qui m’entrainent au loin.
Dans la rue, elle s’arrête en face de moi, je suis encore sous le coup de la pression. J’ai envie de la frapper elle aussi, mais je sais que je ne le ferai pas. «
pauvre con ! » «
tu te fous de ma gueule là j’espère ? putain, t’es vraiment qu’une connasse. Mais je le savais depuis le début ça, j’aurais du me douter ! tu sais quoi. Aujourd’hui, après un an et demi avec toi, j’étais à deux doigts de te dire que je t’aimais. Merde, j’ai bien fait de me retenir. Regarde-moi bien, parce que c’est la dernière fois que tu me vois, connasse. » je me retourne et les mains dans les poches, je m’éloigne. «
anton ! reviens ! je t’aime ! je t’aime, t’entends ! je voulais pas faire ça ! c’est la drogue qui m’a… » je suis trop loin, je ne l’entends plus. je ne veux plus jamais l’entendre.
Quand j’arrive chez moi, il est neuf heures du matin. Ma grand-mère est levée. «
t’as raison, il faut qu’on dégage de new york… » elle me sourit et caresse ma joue.
elle meurt deux semaines avant qu'on parte. mais rien ne me fera rester à new york.
Brysonplace, Vermont.