Dans un tel cas, la boîte à pizza devient un champ de bataille sur lequel sera mené un combat sans merci. Après ça, il y a peu de chance que la part en ressorte indemne… Mais c’est pas grave ! Je me foutrais la tête dans la boîte pour lécher les dernières miettes s’il le faut.

Si on ose me faire ce plan là, qu’on soit mon ami, petite amie ou plan cul, je ris tout simplement au nez de cette personne et lui demande si elle m’a bien regardée. J’ajoute que même si elle me payait pour regarder cette merde, elle pourrait toujours aller se faire foutre un œuf, et que si elle a l’intention d’insister, alors d’accord, on louera cet étron, mais seulement pour que je la lui foute au cul, le seul endroit où il a sa place.

J’ai d’abord une furieuse envie de chopper un de ces mômes par le slip et de le lui mettre sur la tête. Mais heureusement, je porte un chemisier blanc. Et comme d’habitude, pas de soutien-gorge. Alors, au lieu de m’énerver, je colle bien ma plastique sous le nez de la superbe nymphette, et vue la lueur qui s’allume dans ses yeux, je sais tout de suite que je l’aurais dans mon lit dès ce soir. Il n’empêche que si je croise un de ces morveux, je balancerais bien son pistolet dans l’étang du parc. Et s’il tombe à l’eau en essayant de le récupérer, c’est que du bonus.

Je choppe le voleur par le col, je le soulève et je lui balance un coup de genoux dans les burnes. Puis je le laisse retomber à terre, je lui fous un coup pied dans l’estomac et je lui conseille de foutre le camp avant que je ne m’énerve. Puis je récupère le sac de la mémé. Elle tend la main pour le récupérer. Mais avant de le lui rendre, je fouille dedans et en extirpe son portefeuille et m’y sers de quelques billets. Ben quoi mémé ? Tu pensais quand même pas que j’te rendrais service gratuitement, non ?

La première fois que j’ai embrassé un garçon ? Je m’en souviens comme si c’était hier. Lui et moi, nous nous tenions sous le feu des projecteurs, les yeux de plusieurs dizaines de péquenots ridiculement endimanchés rivés sur nous. J’écoutais à peine ce que le roi des papous avec sa toge ridicule nous déblatérait depuis une heure. Je sentais le moment fatidique arriver et, rien que d’y penser, j’en avais la nausée. En face de moi, Ethan, l’heureux élu, n’en menait pas large non plus, au vu de son teint qui avoisinait celui d’un cachet d’aspirine. Et ce qui devait arriver arriva ; le roi des papous nous annonça, rayonnant :

« Vous pouvez embrasser la mariée. »

Oh, chouette.

Ethan et moi prîmes une grande inspiration et, lentement, très lentement, approchâmes nos visages l’un de l’autre, la bouche en bec de canard. Nos lèvres s’effleurèrent à peine l’espace d’une fraction de seconde. À cet instant, je savais qu’Ethan pensait exactement la même chose que moi : un las et long ‘beeeuuuuuuuh !’
Ma seule consolation était l’idée que ce prêtre venait bien malgré lui d’unir deux gays… Sauf que, dans un sens ou dans l’autre, c’était pas le bon sexe qui se retrouvait en face de l’autre sur l’autel.

En équilibre précaire sur mes talons et engoncée dans ma robe sagacement choisie par ma désormais moitié, je descendis l’allée à son bras, la bouche en cœur, tentant tant bien que mal de faire bonne figure auprès des invités. Bien sûr, la scène eut été bien plus amusante et supportable si j’avais porté le costume trois pièces et Ethan la meringue. Mais ce n’aurait certainement pas plus à belle-maman, et encore moins aux fédéraux qui avaient suivi les préparatifs du mariage avec un intérêt non dissimulé.

À la sortie de l’église, je remarquai tout de suite ma sœur, hilare devant notre mascarade. Elle reçut mon bouquet en pleine tronche. Pendant ce temps, les badauds nous bombardaient de riz qui venait se glisser sournoisement entre mes seins. Deux heures plus tard, pendant la réception, j’étais encore en train de régulièrement et élégamment plonger la main dans mon décolleté pour me débarrasser des derniers grains réfractaires.

La vraie fête débuta bien après minuit, lorsque tous les vieux eurent mis les voiles et qu’il ne resta plus que les potes, les membres de la clique, tous aussi déjantés les uns que les autres. On fuma pétard sur pétard, descendit des dizaines de bouteilles de champagnes et fit même une bataille de bouffe avec du caviar. Je n’ai pas énormément de souvenir de cette deuxième partie de soirée. Mais il doit traîner quelque part une photo de moi en train de me taper une téquila paf entre les air bags d’une gogo danseuse.

Après cela, la vie reprit son cours normal. Si ce n’était que, désormais, la mère d’Ethan ne le tannait plus pour qu’il se trouve une gentille petite femme, et que, de mon côté, j’étais officiellement citoyenne des États-Unis et ne me retrouvais par conséquent plus menacée de déportation vers le Canada. Ethan et moi, meilleurs amis depuis des années, vivions déjà ensemble dans un duplex nous permettant de faire la bringue ensemble comme nous l’aimons tant tout en nous offrant suffisamment d’espace pour avoir chacun notre vie intime.
On partage vraiment pas mal de trucs comme un vrai couple, Ethan et moi. Par exemple, on achète nos sex toys ensemble. Mais on en profite chacun de notre côté. On sort en boîte ensemble. Mais on drague chacun de notre côté. Le soir, on regarde un film ensemble. Mais on va dormir chacun de notre côté. Je lui dis « Va faire la vaisselle, salope ! » et il me répond « Oui maître ! » ce à quoi j’ajoute « Et roule pas du cul, la route est droite et j’paie l’essence ! »

Ça étonne quand même nos potes qu’une grande folle et une brouteuse de gazon puissent cohabiter. Mais qu’est-ce que vous voulez, on choisit pas ses amis et encore moins sa famille, surtout en l’occurrence. D’ailleurs, il nous faut régulièrement supporter les visites de belle maman, instants redoutés où je dois de nouveau enfiler ma combinaison de la femme parfaite pendant qu’Ethan s’efforce de prendre une voix grave et masculine. Ce qui ne m’empêche pas de mimer de le prendre par derrière à sec et sans élan dès que sa vieille à le dos tourné — une scénette qui fait d’ailleurs fureur auprès de notre clique qui ne se lasse pas de nous la redemander à chaque fois qu’on se retrouve pour faire la bringue. Comme ils nous le font remarquer à chaque fois, je suis l’homme du couple, alors qu’Ethan est la femme.

Bon, ça ne durera pas éternellement. Dès que belle maman cassera sa pipe, on se torchera un joli petit divorce, et l’affaire sera pliée. Mais en attendant, je dois dire qu’on ne vit pas mal comme ça. Ethan tient son salon d’esthétique — entre nous, elle est vraiment con sa mère pour ne pas voir que son fils est pédé comme un phoque — et moi, je me fais un peu d’argent de poche en publiant des nouvelles érotiques dans un journal gay et en dealant de l’herbe qu’on fait pousser sur le balcon. Pas que j’aie vraiment besoin de fric, vu l’héritage qui m’est tombé dessus après que mes vieux se soient rencardés avec le grand barbu ; mais en dehors de teufs, des défonces et autres orgies, faut bien se trouver un petit hobby.