la première s'appelait sinna. elle avait quinze ans, deux de plus que moi. mais ça, elle le savait pas. j'faisais une tête de plus qu'elle, elle disait qu'elle aimait mes bras, mon parfum, mais c'qu'elle a préféré plus que tout, c'est quand j'me suis vidé dans sa bouche. j'me suis pas intéressé à elle parce que c'était un coup facile. next. la deuxième, ça a été charlie. elle avait un prénom d'mec et ça m'a un peu bloqué, au début. quoique. elle était défoncée toute la journée, et c'était plutôt sympa. j'fumais sur son compte, elle me payait des dix, des vingt, et des cinquante vers la fin. elle se ruinait pour ma gueule, et en plus de ça j'avais le droit de la baiser; j'l'ai lâché, j'avais l'impression d'être une sorte de prostitué dépravé. la troisième avait un corps étranger entre les jambes, c'était donc un mec. il m'a branlé dans les vestiaires de la salle de basket, on a pas été plus loin parce qu'il était pas potable et que j'me tape pas de moches. ça a continué avec lou, en vrai elle s'appelait louise, c'était pendant des vacances à paris, je l'ai prise en photo; c'est parti de là. y'a eu les autres, souvent dérangés, parfois vides et inintéressants. ma prof d'éco au lycée, la gardienne de mon immeuble (moins de quarante ans, quand même), la pute du parking IKEA. j'ai eu dix-sept ans, j'ai eu rémy. et cette salope a tout foutu en l'air.

allongé sur son lit, les couvertures recouvrant la moitié de son corps nu, un bédo entre les lèvres et son esprit dansant sur les bounty killer, jag savourait ce mardi matin comme s'il s'agissait du premier de sa vie. c'était con, mais il aimait ça. c'était, d'après lui, le meilleur moment de la journée; quand les rayons du soleil illuminent les façades des maisons, et surtout la sienne, minable, petite, insalubre. il avait sûrement les moyens de se payer l'immeuble tout entier - enfin, ses parents - mais ça l'aurait emmerdé, une grande maison, une belle baignoire. sa porte ne se fermait pas et n'importe qui pouvait entrer dans son appartement; la fenêtre de la cuisine était cassée et rendait l'hiver insupportable; des oiseaux avaient élus domicile sur le balcon de la salle de bain, et il s'amusait souvent à les enfumer autant que son cerveau. la belle vie. la liberté. presque. à côté de lui, il y avait maya; à défaut d'avoir un nom d'abeille - ce qui l'avait bien fait rire, la veille - elle avait partagé sa nuit, son lit, bref, l'intégralité de ses désirs et fantasmes. mais maintenant que sa gaule était partie, qu'il se sentait vidé de toutes émotions, elle lui semblait comme un déchet, un encombrement inutile, et il avait bien envie qu'elle se casse avant que son joint ne se soit entièrement consumé. mais jag n'est pas mal élevé, on lui appris la politesse et toutes ces conneries; alors, il va attendre. il est neuf heures dix, elle arrive dans deux minutes, et voir la belle chasser la bête l'a toujours fait rire.

la porte claque. les pas résonnent, une paire de talons se perdent sur le sol, et la baie vitrée qui donne sur la chambre s'ouvre doucement, presque timidement; il n'a pas besoin de tourner la tête pour deviner de qui il s'agit. néanmoins, il le fait, il lui adresse un grand sourire, de ceux qui la fait craquer autant qu'ils l'énervent, et regarde son visage se décomposer lentement sous la colère. « tu te fous de ma gueule. » il hausse les épaules, comme un gosse qui rejette une faute sans pour autant la nier; c'est comme un besoin insatiable de la pousser à bout, repousser les limites pour défier l'impossible. sans un mot, il observe la jeune femme secouer les couvertures, et attraper, non sans violence, les épaules de la belle endormie. sans dire un mot, jag observe la scène; « dégage, connasse, t'es pas à la bonne place. » il attend qu'elle referme la vitre à son nez avant d'éclater de rire, de ces rires sincères et sans mélancolie, pures comme du cristal, rares comme le diamant. ses côtes se tordent presque sous son amusement; mais très vite, rémy prend place au-dessus de lui. son visage à quelques centimètres du sien, son visage entre ses mains, elle le regarde droit dans les yeux; il déteste ça, elle le sait, ça le déstabilise à chaque fois, quand elle joue avec ça, il a l'impression qu'elle est capable de lire dans son âme. s'il savait. « tu m'en veux pas, hein? » c'est une question complètement idiote mais il ne peut pas s'empêcher de la lui poser; pas qu'il en ai réellement quelque chose à foutre, mais c'est en quelque sorte une manière de lui rappeler qu'elle lui appartient, que quoiqu'il arrive, elle reste à lui, qu'il ne changera pas, que c'est comme ça, mais qu'ils sont quand même eux, quand même à deux. d'un geste bref de la tête, elle lui répond de manière négative. avec un léger sourire, jag s'empare de ses lèvres, avec toute la douceur et toute la passion dont il est capable. il n'aime pas lui faire du mal, c'est vrai. rémy, c'est un peu sa chérie, son transsexuelle préféré; c'est son occupation quand il s'ennuie, sa passion le reste du temps. il peut passer des heures à la regarder, mais sans jamais qu'elle s'en rende compte. il s'arrange toujours pour qu'elle ne comprenne pas, qu'elle est un peu plus, disons, un peu plus que son coup d'une nuit qui s'est répété plusieurs fois. parfois il est tenté, quand il va mal, le soir, qu'il sent la tristesse l'envahir, il est tenté de l'appeler et de se laisser aller à ses côtés, mais il ne le fait pas parce que c'est une mauvaise idée. faut pas qu'elle s'attache, rémy, c'est pas un mec comme lui qu'il lui faut. un mec bien, dans l'genre casé, qui la pousse pas à chasser une meuf différente à chaque fois de son lit quand elle lui rend visite. et pourtant, l'imaginer dans les bras d'un autre, ça lui fait comme un noeud à l'estomac. pour éviter d'y penser, il tire de nouveau sur son bédo, avant de le poser délicatement entre les lèvres de rémy. elle est tellement belle, quand elle est défoncée. ses yeux brillent et elle débite un tas de conneries, genre un record mondial tellement c'est énorme. elle le fait rire. c'est pour ça qu'il l'aime, un peu. parce qu'elle se cache pas quand c'est le matin et que la moitié des femmes se ruent dans la salle de bain pour se refaire une beauté; parce qu'elle se gêne pas pour manger deux fois plus que lui, même si elle grossit. tu m'prends comme ça ou tu m'prends pas, ils sont un peu comme ça. il sent ses mains froides se glisser le long de son corps, et une bosse significative naît entre les cuisses de la demoiselle. il va la baiser, encore une fois; il a bien trop peur de l'aimer pour risquer de lui faire l'amour.